Chaque saison apporte son lot de changements, de décisions et de résolutions non respectées, de promesses non tenues et, bien entendu, d’invraisemblances qui remettent en question bien des questions qui menacent cette discipline.
Un calendrier n’est pas seulement une succession de rencontres. C’est aussi un outil de préparation. C’est ainsi qu’il est admis que «si la régularité et l’intensité de l’entraînement conditionnent l’accès à l’excellence sportive, un excès de préparation ou encore une préparation physique ou technique non adaptée aux dispositions et caractéristiques du sportif, saccadée, irrégulière, sont susceptibles d’engendrer des blessures plus ou moins graves dans l’instant ou dans la durée. Aussi les sportifs sont-ils soumis au paradoxe de devoir user de leur corps sans l’user. La préparation se fait à partir d’objectifs et d’engagements bien précis. Le programme s’effectue à partir de données se rapportant à l’effectif d’une équipe et est élaboré de manière collective, individuelle et spécifique. On ne peut y toucher sans tout bouleverser.
En dents de scie
Avec un calendrier en dents de scie, la première victime ce sont les joueurs qui sont acculés à une préparation mal adaptée, car souvent interrompue, chahutée ou irrégulière, d’où une baisse de la concentration et, plus grave, une prolifération des blessures et des méformes qui s’en suivent. La seconde ce sont les clubs qui sont obligés de tourner à vide, de chercher des rencontres amicales durant des semaines. Ne soulevons pas le cas des contrats publicitaires difficilement ficelés dans ces conditions particulières, d’où d’importantes pertes sèches pour des clubs à court de moyens financiers. La troisième, les entraîneurs des clubs non intéressés par les compétitions parallèles, qui sont dans l’obligation de s’adapter, souvent de manière empirique parce que précipitée et imprévue.
Cette entrée en matière suppose qu’il y a danger et que le fait de poursuivre sur cette voie est une façon de négliger le principal pour opter pour ce qui n’est qu’accessoire. En effet le principal, à notre humble avis, est bien de faire progresser une discipline sportive. La compétition est une des conditions de progrès. Mais une condition qui a ses exigences. On ne fait pas de la compétition pour le plaisir de la faire, mais bien pour jauger de ses propres progrès tout en cernant les insuffisances pour y remédier.
A voir notre «calendrier», nous ne pouvons conclure que ce n’est qu’une suite de journées, de compétition où il est difficile de repérer une démarche logique. Tout y semble biscornu. Les trêves, les journées de rattrapage et les interruptions se succèdent par saccades.
Dans ce fourbi, les premiers à plaindre sont les entraîneurs et les techniciens chargés de la préparation physique. Les meilleurs y perdraient leurs larges connaissances acquises, pour certains, dans les écoles les plus réputées.
Insoluble
Pour ce qui est le cas de l’actuelle saison, la situation est pour ainsi dire insoluble : la date-butoir n’est autre que le démarrage de la CAN (21 juin-19 juillet 2019). Il était prévu de tout boucler le 2 juin, pour permettre au sélectionneur national, d’entamer sa préparation en rencontrant les 7, 11 et 17 juin l’Irak, la Croatie et le Burundi. Alors qu’il reste quarante et une rencontres pour ficeler le dossier championnat et coupe, sans compter les deux finales EST-WAC. Et encore, la FTF a eu son bonheur avec l’élimination de l’ESS et du CSS ! Sinon cela aurait pu être pire.
Jamais la bonne courbe
Les dirigeants ne sont pas en reste puisque c’est eux qui doivent trouver un budget que l’on peut difficilement cerner. Les trêves, les arrêts coûtent de l’argent. Pour les entraîneurs, c’est une prise en main, des motivations différentes. Pour ces techniciens, la courbe n’est jamais la bonne ou elle ne saurait être qu’approximative. Pour les préparateurs physiques, les périodes de forme sont complètement faussées. Pour les joueurs, ces rythmes sont catastrophiques et ils en subissent les conséquences en se présentant avec des capacités et des réactions différentes d’une semaine à une quinzaine voire davantage avec des visages dissemblables. C’est que l’on peut être en bonne condition physique, mais en perte de rythme et de combativité. Des qualités que seule une compétition régulière procure au joueur.
D’ailleurs, quelles sont, actuellement, les équipes qui sont les mieux affûtées pour la compétition ? Celles que l’on croit les plus sollicitées et pour lesquelles on prévoit à tort un effondrement possible !
Récupération, dosage, maintien et affûtage
Ces équipes tiennent bon parce qu’elles disposent d’abord d’un riche effectif, que l’on y effectue un turnover intelligent, qu’elles possèdent de bons préparateurs physiques, un excellent staff médical et des entraîneurs qui savent ce qu’est le dosage et la récupération… Contrairement donc à ce qu’on pense, même un rythme infernal peut être soutenu avec la présence de bons préparateurs physiques qui savent ce que c’est qu’une récupération et dosage, de maintien ou d’affûtage.
Ceci dit, ces remarques échappent-elles aux dirigeants fédéraux et à la Direction technique ? Pas du tout. La DTN est, sans aucun doute possible, la première à souffrir de cet état de choses. Les joueurs, surtout de l’équipe nationale, sont difficiles à étalonner dans ces conditions. Ceux qui viennent de l’étranger ont plus de chance, parce que leurs calendriers sont pour ainsi dire définitifs le jour de leur émission.
Pourquoi ?
Parce que tout simplement les clubs, sur le plan continental, et sur le plan national, choisissent ce dont ils veulent faire leurs objectifs. Il n’y a pas de dispersion et une course contre la montre démentielle pour …boucler le calendrier. Faute de quoi….on renvoie pour la saison prochaine !
Et nous y sommes, en fait, avec des journées de rattrapage, des sauts de puces à n’en plus finir et des «journées» qui mettent tout sens dessus-dessous.
Il faut choisir
La Fédération algérienne semble avoir choisi. Elle a demandé aux clubs de n’accéder qu’à une seule compétition autre que celles qui se jouent sur le plan national. Il y aura moins de perturbations et beaucoup plus de clubs pouvant accéder sérieusement à une compétition continentale ou régionale. C’est une ouverture, qui techniquement pourra donner des effets positifs sur une plus large échelle, puisqu’il y aura plus de clubs sollicités donc qui feront plus d’efforts, acquerront plus d’expérience tout en réduisant les trêves inconséquentes.
Mais pour convaincre les clubs de faire ce genre de choix, il faudrait posséder d’abord un minimum d’autorité, pas de complaisance, des convictions, ensuite du bon sens, pour prendre en considération les intérêts des autres équipes et de la compétition nationale.
Face à des clubs obnubilés par les titres, les enveloppes mises en jeu et l’enrichissement de leur palmarès, on permet que l’on participe à plus d’une compétition internationale de clubs.
La compétition tunisienne subit les contrecoups du championnat, de la Coupe, de la Champions League, de la Coupe de la CAF, de la Coupe arabe, de la Supercoupe africaine, de la Supercoupe tunisienne, du Mondial, des JO. Franchement, il y a de quoi perdre la tête avec autant d’engagements.
Les conséquences, la majorité des clubs les subissent financièrement et techniquement.
Pour s’en convaincre, il faudrait chercher un seul pays où le calendrier est remanié sans arrêt pour rattraper ou pour colmater les brèches ouvertes.
On en trouvera sans doute dans les pays où on gère encore les épiceries sans calculettes ni ordinateurs.
Plus sérieusement, il y a problème et il est avant tout technique et organisationnel. Laissons les techniciens travailler sans interférences internes et exogènes, et ils donneront un avis sensé et profitable pour toutes les parties prenantes.